Les représentants des candidats interrogés sur la place de l’enseignement supérieur privé non lucratif

Première fédération des grandes écoles associatives en contrat avec l’État, la FESIC tenait à donner toute sa place, pour cette élection présidentielle, à l’enseignement supérieur non lucratif EESPIG. Pour confronter les points de vues et alimenter le débat, la FESIC organisait le 16 mars 2022 à l’EDHEC Paris un Grand Oral de représentants de candidats à la présidentielle.

La fédération note avec satisfaction l’unanimité à appeler à un renouveau du dialogue entre les EESPIG et l’Etat, mais aussi à porter la question du règlement du sous-financement dans l’enseignement supérieur et la recherche, dont celui du privé sous contrat EESPIG observé depuis de longues années.

Une étude FNEGE qui souligne l’impact global des écoles de la FESIC

Première partie de cet évènement, la présentation d’une étude d’impact menée par la FNEGE entre septembre et décembre 2021 par son coordinateur, le Pr Michel Kalika.

L’étude d’impact territorial des établissements de la Fédération souligne leur rôle positif sur l’écosystème local au niveau académique et scientifique, mais aussi économique. Ces impacts aux effets exponentiels sont aussi bénéfiques aux étudiants qu’à la société dans son ensemble.

En un coup d’œil, les chiffres de l’étude FNEGE pour la FESIC :

  • Excellence des formations : 93% de nouveaux diplômés en poste 6 mois après l’obtention de leur diplôme
  • Implication sociétale : plus de 90% des étudiants formés à la RSE et au développement durable
  • Innovation et entrepreneuriat : en 5 ans, 2400 projets de création d’entreprises et 1500 start-up incubées
  • Contribution à l’effort national de recherche : 11% du budget des écoles consacré à la recherche
  • Effet levier : 1€ de subvention de l’Etat conduit à 62€ dépensés dans l’économie réelle qui profitent en particulier à la dynamique du territoire

L’engagement de nos établissements dans leurs missions de service public et particulièrement leur participation à l’effort national de recherche ne fait pas de doute.

Pour découvrir les principaux enseignements de l’étude d’impact FESIC

Des candidats à la présidentielles qui s’engagent pour les EESPIG et les étudiants qu’ils forment

Temps fort de la soirée, le Grand Oral des représentants des candidats à l’élection présidentielle. Animé par Sarah PIOVEZAN, journaliste à aef Info, il a réuni Patrick HETZEL (Valérie PÉCRESSE), Jacques-Olivier KLEIN (Jean-Luc MÉLENCHON), Cédric VILLANI (Yannick JADOT) et Louis VOGEL (Emmanuel MACRON) qui ont débattu sur leur vision de l’enseignement supérieur privé non lucratif pour le quinquennat à venir.

Renforcer le financement des EESPIG pour le prochain quinquennat au nom de leur contribution au service public de l’ESR

Quelle place accorder aux EESPIG en France (ni complètement privé, ni tout-à-fait public) dans la prise en charge de son enseignement supérieur (et de ses étudiants), dans un contexte où les ressources publiques se font rares ? 

Pour Patrick HETZEL (Valérie PÉCRESSE), les EESPIG qui délivrent une mission de service public doivent bénéficier de l’argent public. « le cœur du réacteur c’est redonner sens à la contractualisation et faire en sorte que ces établissements aient un rôle particulier à jouer pour poursuivre dans le sens de l’intérêt général. Il faut pour cela revenir au financement que les établissements avaient en 2012 ».

Jacques-Olivier KLEIN (Jean-Luc MÉLENCHON) rappelle que le privé non lucratif a aussi son intérêt (par exemple dans le soin). « La FESIC a des valeurs et des objectifs sociaux et sociétaux qui vont dans le sens des mesures que l’on souhaite mettre en avant comme la coopération, l’entraide, le partage, mais nous ne plaidons pas pour une augmentation de la subvention des Eespig » Jacques Olivier KLEIN propose de donner la possibilité aux écoles qui le choisissent de rejoindre le secteur public.

Cédric VILLANI (Yannick JADOT) rappelle le « contexte difficile de l’ESR épuisé par des années de réformes et de chamboulement permanent, et 30 ans de sous-financement. La LPR a permis pour la première fois de mettre des sommes décentes sur la table » mais il regrette une « occasion manquée sur le rythme à insuffler, l’objectif est d’atteindre 1% du PIB dans la recherche d’ici 2025 ». Il considère cependant important d’accorder plus de financement et de représentativité aux EESPIG. Trois points qui coïncident aux propositions de Yannick JADOT.
– La notion de service public, peut être portée par d’autres que les seuls établissements publics
– Le respect de la diversité, des idées
– L’adéquation entre science et aménagement du territoire. « La FESIC apporte des angles intéressants en terme de liens entre le paysage humain, les idées et les enjeux territoriaux, la géographie ».

Louis VOGEL (Emmanuel MACRON) considère que « le Secteur de l’ESR est sous tension depuis de nombreuses années, il est temps de compenser, d’autant plus que ce secteur conditionne la santé d’autres secteurs. Au vu de l’insertion professionnelle, les EESPIG n’ont pas assez d’argent : 5% de subventions pour 93% d’insertion à 6 mois ce n’est pas assez, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’université. Il faut rapprocher les universités des territoires, vos établissements s’inscrivent dans ce mouvement. Votre contribution à la mission de service public est sous-estimée.».

Le financement de l’État par étudiant : public et privé non lucratif, quelles différences ?

Que proposez-vous pour soutenir mieux les EESPIG, qui touchent actuellement en moyenne une subvention équivalente à 500 euros par étudiant, et qui réclament 1000 à 1200 euros par étudiant (soit 10% de ce qui est versé aux établissements publics : 11 000 euros par étudiant) ?

Louis VOGEL : «Le statut privé/public ne doit pas avoir d’incidence. Oui il faut financer plus les EESPIG dans le cadre du dialogue triennal tant que ça contribue au service public ».

Patrick HETZEL : « Oui bien sûr, il faut financer plus. Cela passe par la voie de la recherche et celle des boursiers pour booster la diversité dans les écoles. Il est nécessaire de former plus de gens pour réindustrialiser. Pour les subventions, la première chose est de revenir aux montants de 2012 lorsque Valérie PÉCRESSE était ministre».

Du point de vue de Jacques-Olivier KLEIN, « vos valeurs et votre participation aux missions de service public méritent d’être mieux financées, mais cela passe par une intégration à l’université ».

Cédric VILLANI n’est pas favorable à ce que les établissements de la FESIC rejoignent le public. « Il y a cependant un besoin de réévaluer l’investissement par étudiant dans l’université, et bien évidement aussi pour les EESPIG. L’ordre de grandeur des 10% présenté par la FESIC me paraît raisonnable. La recherche doit elle aussi être mieux financé ».

Bourses, mobilité internationale, santé, comment lever les inégalités de traitement pour les étudiants des EESPIG ?

Dans ses 12 propositions pour la présidentielle, la FESIC met en avant en tout premier lieu le traitement inégalitaire qui est fait à ses étudiants : en effet, ceux-ci, en fonction des formations dans lesquelles ils sont inscrits, ne sont pas toujours éligibles aux bourses d’État. N’y a-t-il pas une forme d’injustice à ne pas traiter tous les étudiants qui ont des ressources similaires de la même façon, quel que soit l’établissement dans lequel ils sont inscrits, d’autant plus si celui-ci est reconnu et évalué par l’État ?

Au-delà de l’habilitation de toutes les formations des EESPIG à accueillir des boursiers et de l’accès aux dispositifs d’aide à la mobilité internationale, aux bibliothèques ou aux services de médecine universitaire, la FESIC demande que ses étudiants soient représentés dans toutes les instances de l’ESR qui émettent des avis les concernant, comme le Cneser ou le Cnous : est-ce légitime ? Plus largement, elle se prononce pour que la nation épaule mieux les étudiants dans le financement de leurs études, alors que la crise a cruellement montré l’étendue de la précarité étudiante. Elle propose le développement des prêts étudiants garantis par l’État, qui existent via BPI France depuis 2008 mais qui ne répondent pas à toute la demande ; l’expérimentation des prêts à remboursement contingent encadrés par l’État ; ou encore une défiscalisation des frais de scolarité cohérente avec les tarifs pratiqués par les EESPIG. Ces mesures vous paraissent-elles pertinentes ?

Jacques-Olivier KLEIN, défend le projet politique de son candidat Jean-Luc MÉLENCHON pour « la gratuité des études de la licence au doctorat » et un financement pour la jeunesse indexé sur le seuil de pauvreté qui leur permettra de « s’engager dans leurs études » sans avoir à s’appuyer sur des bourses.

Pour Patrick HETZEL, le statut EESPIG devrait entraîner des automatismes comme l’habilitation à accueillir les boursiers. Sur le financement, Il présente le projet de Valérie PÉCRESSE de faire une « conférence de financement pour répondre à ces questions et faire évoluer le financement de l’ESR. Mais aussi développer une banque des jeunes renforçant les prêts garantis par l’État, avec un remboursement quand un certain seuil de revenu sera acquis ». Il estime que les étudiants des EESPIG doivent pouvoir être représentés dans les instances comme le CNESER.

Louis VOGEL s’engage à « remédier à cette situation d’inégalité pour les étudiants des EESPIG car la mission de service public est accomplie », et à « remettre à plat le système des bourses et des aides. Il y a trop de bourses d’un montant faible, mais les bourses ne font pas tout, c’est le chantier du statut social de l’étudiant qu’il faudra revoir, il n’est pas normal que manger ou se loger soit un problème ». (Cf commission sur la vie étudiante du Sénat 2021)

Cédric VILLANI considère que « si ça sert l’intérêt public et que les établissements ne sont pas lucratifs, il est normal de proposer les mêmes droits pour tous (bourses, cnous, crous, aide au logement, etc.) ». Il n’est cependant pas favorable aux prêts et plaide pour une aide systématique dès 18 ans, comme l’extension du  RSA  pour « responsabiliser et favoriser l’autonomie des jeunes ».

Délivrer des masters internationaux, ouvrir des écoles doctorales, quid des freins administratifs pour les EESPIG

Le soutien au tiers-secteur ne passe pas seulement par du financement : il peut aussi s’agir de lever des freins ou des contraintes administratives, ce qui leur permettrait aussi de dégager des marges de manœuvre, dit la FESIC. Exemples : leur permettre de délivrer des masters internationaux (dits Duby) et le doctorat, en leur donnant la possibilité d’ouvrir des écoles doctorales. Où se situent selon vous les limites dans ce domaine ? Une co-accréditation d’école doctorale par un établissement privé, aussi prestigieux soit-il, n’existe pas en France sauf dans le cas d’HEC. Seriez-vous prêt à revenir sur ce dogme ? 

Louis VOGEL répond que le gouvernement actuel a donné la possibilité de délivrer le grade licence. « Ce mouvement sera poursuivi et les masters seront rétablis ». Il défend la complémentarité des écoles et des universités, comme richesse du système français de l’ESR. « Ce n’est pas les unes contre les autres, il faut rapprocher les écoles des universités, donner envie de faire des thèses et passer des doctorats. Faire que les élèves des écoles puissent utiliser les labos des universités. Il faut des écoles doctorales où professeurs, étudiants, universités et écoles travaillent main dans la main ». « Depuis longtemps, on s’inspire les uns des autres (ex les alumnis du privé dans le public) ».

Cédric VILLANI est ferme, « Il faut favoriser les synergies et la complémentarité entre établissements avec des campus ouverts, mais les doctorats sont délivrés uniquement par l’université, pas plus pour les EESPIG que pour l’ENS ».

Jacques-Olivier KLEIN considère que ce sujet n’est pas d’actualité, « les écoles doctorales sont thématiques et non liées aux composantes ».

Patrick HETZEL quant à lui plaide pour « débureaucratiser l’ensemble de l’ESR. Je suis favorable à la délivrance de master internationaux, et à la normalisation de la question des jurys rectoraux mais pour l’école doctorale, il faut être prudent, ne pas réveiller l’opposition public / privé ».

Les engagements des candidats sur les propositions FESIC

Vous avez rencontré les équipes de la FESIC ces dernières semaines et avez pu prendre connaissance de leurs 12 propositions. Quelle serait LA proposition portée par la FESIC sur laquelle vous seriez prêt à vous engager une fois votre candidat élu ? 

Cédric VILLANI : « la représentativité des étudiants (CNESSER, et CNOUS) et la renégociation des subventions, car à partir du moment où ça sert l’intérêt public, ce doit être les mêmes droits que dans le public ».

Louis VOGEL : « L’étudiant est au cœur du projet d’Emmanuel MACRON, donc pour moi ce serait les propositions sur l’engagement étudiant. Favoriser les séjours à l’étranger, les stages en entreprises et l’investissement dans les associations. Ces engagements personnels doivent compter pleinement dans le cursus de l’étudiant. Nous avons beaucoup à apprendre des écoles en ce domaine ».  

Patrick HETZEL vise à recréer la confiance entre tous les acteurs de l’ESR pour une nouvelle dynamique dans un secteur stratégique pour le pays. Sur les propositions FESIC, il s’engage à « Repartir sur de bonnes bases pour la contractualisation et revenir au financement par élève qui s’appliquait il y a 10 ans. Il faut absolument prendre cet engagement ».

Jacques-Olivier KLEIN soutien l’objectif d’ouverture sociale des écoles de la FESIC, et propose une « Mesure 13 qui consisterait à retrouver le temps long dans la recherche en allant au-delà des appels à projet sur de très courts termes et financer directement les labos de recherche sans passer par l’ANR »

Quelle place pour les enseignements supérieurs numériques ? Type MIT etc… en France ?

Adrian KINSEY-HILLOU, étudiant à l’ISEP et par ailleurs lauréat d’un concours mondial porté par IBM (avec le projet TrashTag) interpelle les représentants des candidats sur la place des enseignements numériques dans l’ESR.

Pour Jacques-Olivier KLEIN « l’usage du numérique est très bien, mais il faut beaucoup de prudence, et ce n’est pas la seule manière d’innover en pédagogie ».

Pour Patrick HETZEL le numérique peut être une opportunité et a « toute sa place dans l’enseignement supérieur ». Il appelle cependant à être vigilent sur la qualité des certifications des compétences et des connaissances qui peuvent être validées par des moocs par exemple (différence avec un diplôme).

Louis VOGEL partage l’avis de Patrick HETZEL et Jacques-Olivier KLEIN en ajoutant que ces nouvelles formes d’enseignement présentent l’intérêt de faciliter la transmission et « ont une chance de toucher tout le monde francophone, notamment en Afrique ».

Cédric VILLANI est assez partagé : « c’est très intéressant, mais cela pose aussi beaucoup de problèmes (le temps de réalisation, la technique, la propriété intellectuelle, etc). Le numérique n’est pas la solution miracle, en revanche il est très intéressant d’en faire une brique dans une offre d’ensemble ».

Engagement des étudiants EESPIG dans les instances nationales type CNESER et CNOUS, comment s’y prendre ?

Florian TRICHAUD, étudiant à ISARA Lyon et Représentant du BNEI salue les engagements des 4 invités sur la nécessité de permettre aux étudiants des EESPIG de participer aux instances représentatives de l’ESR comme le CNESER ou le CNOUS, mais demande aux représentants comment ils comptent s’y prendre.

Patrick HETZEL : « très concrètement, cela passe par un décret ».

Jacques-Olivier KLEIN alerte : « c’est important de faire partie des élus, car c’est apprendre à faire usage de son droit démocratique, mais attention à la contrepartie, on ne fait pas ça pour avoir des ECTS mais pour représenter les personnes qui nous ont élus ».

Cédric VILLANI : « c’est très important comme engagement, mais il faut trouver la bonne dose. Un récent rapport présenté au Sénat montre que plus de 18h hebdomadaire peut mettre en péril la réussite scolaire ».

Philippe CHOQUET remercie les intervenants et conclut : « il faut maintenir la biodiversité de l’ESR, garante de qualité et de performance » 

 « Je retiens de ces échanges une vision commune, bienvenue, sur des points essentiels quant à l’enseignement supérieur et la recherche. Unanimité sur le fait que l’ESR n’est pas assez financé, unanimité sur la non-discrimination, tout étudiant doit avoir accès aux bourses, aux logements, aux centres de santé. Unanimité sur la recherche : une recherche qualitative est importante pour le pays, et il faudra travailler à une perméabilité entre universités et écoles dans un respect réciproque. Il y a encore du travail à faire, mais cela sera possible grâce à l’autorité de l’Etat. A quelques semaines d’une nouvelle mandature, nous notons avec satisfaction l’unanimité à appeler à un renouveau du dialogue entre les EESPIG et l’Etat, mais aussi à porter la question du règlement du sous-financement dans l’enseignement supérieur et la recherche observé depuis de longues années. Ce que nous souhaitons pour nos établissements, pour nos étudiants, ce sont de mêmes droits que les établissements publics et leurs étudiants, car nous partageons les mêmes devoirs et le même engagement dans les missions de service public. »

Philippe CHOQUET, président de la FESIC

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